Aristides HONYIGLO

Harmattan bye-bye, on t’attendra

Meteo sur l'Afrique occidentale
Météo sur l’Afrique occidentale

L’homme, cet éternel insatisfait, avec son alter ego de toujours : la femme naturellement. Des humains donc ! Que voulez-vous, c’est leur nature naturellement. Il et elle sont conçus portés et nés ainsi. Ils désirent ardemment une chose et dès qu’ils l’obtiennent, souhaitent avoir son contraire. Ici en Afrique de l’Ouest, durant neuf longs mois de février à novembre, il a fait chaud, très chaud. Sous les vêtements comme dans les corps. Et tout le monde demandait à sortir de ce carcan avec l’aide de la nature. On attendait donc l’ « hiver ouest-africain» sobrement désigné sous le vocable d’harmattan. D’ordinaire, il survenait au mois de novembre avec ferveur et toute sa « fraîcheur » pour soulager les corps endoloris de chaleur. Mais depuis quelques temps et compte tenu de certains changements dans le programme Climat, il ne vient qu’au Nouvel An. Parfois même en février.

Femme et homme (Image: Conv_Mar modifié)
Femme et homme (Image: Conv_Mar modifié)

Et en début de cette année, ne voulant pas déroger à la nouvelle règle, il a respecté son contrat. Cinq jours après les réjouissances du réveillon, il est effectivement venu, froid et sec. Avec dans son traîneau, son cortège de mal-être : rhume, grippe, toux, poussière… Et (re) toc ! Revoilà l’homme et sa femme qui se plaignaient auparavant de la chaleur, maugréant cette fois-ci contre le froid. Dur, dur d’être homme et femme. En tous cas, l’harmattan a compris les complaintes de ces deux humains. Il n’a fait qu’une quinzaine de jours et est parti. Mais moi dans mon coin et ma croyance, je croyais qu’il allait nous faire le coup du 13 janvier(1) ou bien celui du 5 février(2). Et j’attendais. Mais en me réveillant ce matin, j’ai compris qu’il- l’harmattan, ne reviendra plus ; sinon l’an prochain. Alors harmattan merci pour tout, ta fraîcheur, ta poussière, tes rhumes et aussi pour avoir prêté ton substantif à un semestre des étudiants loméens. À l’année prochaine donc harmattan. On t’attendra !

Semestre Harmattan (novembre à février), Université de Lomé
Semestre Harmattan (novembre à février), Université de Lomé

 

(1) Le 13 janvier 1963, jour de l’assassinat (revendiqué par Etienne Eyadema) du premier président du Togo Sylvanus Olympio (1902-1963) et d’après de nombreux témoignages, le ciel calme et ensoleillé de la capitale Lomé se voila soudainement provoquant un « harmattan » dans l’harmattan.

(2) Également le 5 février 2005, date de l’annonce du décès de l’ex-chef d’Etat togolais Gnassingbé Eyadema (1936-2005) ,un vent inhabituel suivi de crachin dans la soirée, déclencha un « harmattan » le lendemain. Phénomènes naturels ou événements mystiques post-mortem ? La « disparition » de dirigeants africains est toujours accompagnée de supputations.

A.H

 


Guerre des plumes dans les rues : 2 053 743 (Episode 2)

Credit: fr.freepik.com
Credit: fr.freepik.com

 

Vous vous rappelez l’épisode 1 ou le début de ce « combat » que les faiseurs de « plumes » ont livré au nom des élèves dont les écritoires, pouvaient être considérés comme leurs outils de travail. Et du paysan africain qui utilise la houe ou la daba comme un stylo pour faire de la culture. Vous vous souvenez aussi, sûrement du nombre de ces élèves : deux millions.

Plus exactement 2 053 743 élèves. Multiplions donc cette donnée par le prix moyen d’un « bic », 88 francs Cfa. A l’heure des cartes-mères miniaturisées et des ordinateurs intégrés, qui «s’amuserait » encore à se rappeler les règles de calcul mental ? Sortons calmement la pas très épaisse calculatrice, et pianotons sur son pavé numérique… Avec sa précieuse aide, le produit du prix d’un bic par le nombre d’apprenants donne (Prix d’un bic (X) Nombre d’apprenants =) 180.729.384 de francs Cfa potentiels. A repartir entre les principaux fabricants de stylos représentés localement. Et encore, chaque apprenant (e) n’utilise pas un unique stylo d’encre bleue ou noire par année scolaire. Il (elle) en perd, en change, en rechange et (aussi) en d’autres couleurs tout le long de l’année. Ce qui pourrait porter le multiple des 180.729.384 francs à 2, 3, 4 voire plus… Un juteux immense marché donc, vous convenez !

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Ecolier africain (Crédit photo: Avec l’aimable autorisation du mondoblogeur et mondofrère William Fonkam, lepetitecolier.mondoblog.org )

Ces fabricants de « plumes » ont été plusieurs à s’être impliqués dans cette guéguerre de « plumassiers. » Les stigmates de cette bataille concurrentielle sont encore visibles sur le terrain. Les rues de cette modeste capitale portent encore les marques des vendeurs de « pennes. » A savoir les légendaires « français » Conté…, les « anglais » Reynolds…, les nigérians et ivoiriens OK Pen, les « allemands » Schneider, Staedtler, le « chinois » Beifa, tout récemment les « indonésiens » Cello, etc. A l’occasion de la dernière rentrée, ils se sont volés dans leurs plumes. Dans les rues, sur les murs ou sur les panneaux publicitaires, tout a servi à montrer ses couleurs. Les « plumes » ont fait le paon sur les avenues et les boulevards.

Pub de stylos....
Pub de stylos….

Tenez, tel fabricant qui « … vous en donne toujours plus. » Quoi ? De l’encre et encore de l’encre ! Dans un stylo qui « écrit jusqu’à la dernière goutte. » Car pour l’autre « les détails sont plus importants. » J’en passe et des meilleurs. Vraiment ces entrepreneurs possèdent l’art de la vente. Ils pourraient même vous vendre des pennes à la place d’un poulet en entier, rien que pour faire de vous une plume.

Pub de stylo, Lomé (Crédit photo : A. Honyiglo)
… Dans les rues de Lomé (Crédit photo : A. Honyiglo)

Il y a parmi ces plumiers, un qui mérite qu’on s’y penche. Tellement sa « plume » a tellement accompagné nombre d’entre nous, qu’ils doivent être une forte minorité (s’il s’en trouve) qui n’ait  jamais tenu ce « pistolet » entre leurs doigts.. Point est-il besoin de renommer ici, le célèbre stylo aux trois lettres dont le nom est rentré dans le langage au point de désigner « tout stylo à bille, quelle que soit sa marque (Larousse) ». Un politique togolais, El-Hadj Coubadja Touré, déclara un jour lors de la Conférence nationale souveraine : « Notre arme, c’est le bic.» Tout est dit et vous l’aurez compris, cette « arme » c’est le Bic. Le crayon ou le stylo sont de redoutables armes de combat (d’idées).

                                      … bleue si possible (Crédit photo : A. Honyiglo)
                   … bleue si possible (Crédit photo : A. Honyiglo)

Tellement ce « bic » a mes entiers suffrages et m’a permis de (m’exprimer) et d’exprimer mes idées, mes états d’âme. [Que j’en suis presque tombé « amoureux.»] A l’heure où tablettes, écrans tactiles, claviers intelligents tentent de le substituer. Pourquoi et comment je suis « tombé » amoureux dans cette histoire de bic ? Cela, utilisez tout le matériel mental pour y cogiter, et je vous en parlerai prochainement… (A suivre).


Guerre des plumes dans les rues : 2 053 743 (Episode 1)

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Credit: www.fr.freepik.com

La guerre de Troie eut peut-être eu lieu, mais celle des oies est en train d’être lieu. Bien lieu à des milliers de lieues de la célèbre ville antique grecque. Pas spécialement la guerre des canards, mais de leurs plumes et de leurs encres. Elle a commencé ici chez nous en septembre dernier, à l’occasion de la rentrée académique.

Alors qu’il n’y a pas longtemps, les élèves et les étudiants ont entamé le deuxième trimestre de l’année académique, voici racontée, cette bataille que les fabricants de « plumes » se sont livrée en leurs noms_ceux des élèves. Heureusement, il n’y a eu (n’y aura) ni mort ni blessé. Seuls les portes-monnaies des parents

Credit : thinkstockphotos.fr
Credit : thinkstockphotos.fr

 

Cette année scolaire 2014-2015 n’a pas connu de report. Ni pour cause d’inondations, ni pour le cholera, encore moins pour Ebola. Des grèves de personnels enseignants et la fermeture d’écoles confessionnelles ne sont survenues qu’en décembre dernier (et encore sporadiquement récemment). Les écueils, ce sont les parents d’élèves qui l’ont connus, pour payer les multiples fournitures scolaires à leurs enfants. On s’est arraché les cheveux, on s’est serré la ceinture, on s’est endetté pour la bonne cause : celle de l’avenir des élèves. Le matériel scolaire n’est pas hors TVA (je crois) et un stylo ou « bic » s’achète entre 75 et 100 francs CFA. Vous n’aimez pas les chiffres. Bien. Vous allez en baver tout à l’heure !

Donc, prenons le prix moyen d’un stylo de 87, 5 arrondi à 88 F CFA. Puis, ne tenons pas compte des 6 925 001 personnes habitant actuellement le Togo selon le T.A.N* de 2010. Puis ne tenons pas compte encore du gros lot des étudiants dont le nombre fluctuent en fonction du caractère public, privé, des dates de rentrées, des semestres… des universités. Pointons plutôt le spot sur les élèves et les lycéens du Togo qui, d’après le ministre des enseignements primaire et du secondaire, seraient « deux millions cinquante-trois mille sept cents quarante trois(2 053 743) » précisément, à avoir pris le chemin des classes en septembre dernier. Tenons-nous en donc à ce chiffre. Une aubaine pour les fabricants de matériels scolaires et leurs distributeurs locaux. Tous les élèves ne peuvent pas avoir tous les matériels scolaires : instruments de mesure (règles, compas…) crayons, feutres, gomme etc. ; mais chaque élève a au moins un cahier et une écritoire.

Une personne a dit qu’ « un agriculteur ne peut aller au champ sans son outil aratoire.» En Afrique, il y a peu de moissonneuse-batteuse. (Nous) Plutôt le paysan, n’utilise pas assez de tracteurs, pas beaucoup la charrue. Même si cela a fait dire à « Quelqu’un » que « le paysan africain n’est pas assez rentré dans l’Histoire » ; c’est donc avec la houe et la daba qu’il_le paysan, cultive la terre et arrive à réaliser les productions excédentaires exportées et prisées dans le monde. Le pauvre ! D’accord. Et maintenant, un(e) élève qui irait en classe sans un stylo ressemble-t-il (elle) au paysan qui va au champ sans sa houe ou sa daba ? Avec quoi feront-il (elle) de la culture, au sens propre comme au figuré ? Énigmatique ? Non, pas vraiment comme la suite de cette histoire le montrera (A suivre).

credit: jacques-lacour.blogspot.com
Crédit: jacques-lacour.blogspot.com

*T.A.N : Taux d’accroissement naturel (2,84 % en 2010)

 


Je suis Charlie, j’ai dû être un Cabu

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Fan de bandes dessinées, je suis effondré depuis mercredi et l’assassinat des « amis » de Charlie Hebdo, particulièrement Cabu. Triste, je me console avec mes souvenirs d’années-BD et caricatures, ainsi que mes « sautes » drôlettes qu’il, Wolinsky, Tignous… n’auraient pas détestées.

« …Le rire à haute dose réduit la tension artérielle et le rythme cardiaque, apaise la douleur, renforce le système immunitaire et diminue la sécrétion des hormones responsable du stress. Le problème, c’est de trouver suffisamment de raisons de rire. »*

Elisabeth Jean Pascoe et Lynne Zeranee, Woman’s Day Magazine.


 

Tout a commencé avec Emilie, de qui je suis tombé amoureux. Je devais avoir combien ? Allez, quatre, cinq ans. Je crois. Précoce me diriez-vous. Attendez, de même que  la valeur, « l’amour n’attend pas le nombre des années.»

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Détournement de titre d’ Emilie

Puis je fis la rencontre de Martine.

Détournement de titre de Martine (www.topito.com)
Détournement de titre de Martine (www.topito.com)

Très, très belle. Plus qu’Emilie ? Je ne saurai l’affirmer. La certitude est que je suis (re)tombé amoureux. Cette fois, d’elle-Martine. Mais je me suis vite rendu compte que, je n’étais pas une fille, ni genre à jouer à la poupée. Et comme elle aussi ne voulait pas faire de jalouse, me plaqua rapidement. J’allais donc vers mes préoccupations plus « garçon.» Je voulus faire des choses de « grands », d’hommes. Je commençai mes aventures avec Astérix, les Schtroumpfs, Les Pieds Nickelés, Lucky Luke et Blueberry …

asterixxx indexschtrrrEt j’appris à faire de la moto avec Jean-Michel Charlier, Graton et Ago. Puis à voler, pas dérober, mais à piloter des avions avec Tanguy et Laverdure, Buck Danny et a même « … marché sur la Lune », avec Tintin

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Ayant suffisamment appris de la vie, je décidai d’entrer en politique. Notamment avec l’aide de Papa qui me fit découvrir le magazine Le Point. Et Papa-m’a-dit, qu’on ne pouvait lire Le Point sans croiser Jacques Faizant.

Dessin de Jacques Faizant
Dessin de Jacques Faizant

Ah quels délices, Faizant et ses dessins. Inoubliables ! J’en ris tout un mois. Je ne pouvais plus me passer chaque semaine, du numéro du Point. Surtout que Papa finisse très vite de le lire pour me le prêter ou carrément je le lui chipais. Naturellement, Le Point me fit connaître Le Canard Enchainé, Charlie-Hebdo et Cabu (confondu souvent, j’ignore la raison, avec Coluche) ! Cabu ne me faisait pas rire. Il me faisait plutôt marrer !

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C’est en grand garçon que dorénavant, j’allais acheter « moi-même » les numéros du Canard ou de Charlie ; et commençai à comprendre les méandres et les arcanes de la politique. Les conspirations, les trahisons comme les loyautés. Je découvris aussi les quotidiens Libération, Le Figaro, Le Monde avec son Plantu. De même que de vieux numéros du Crapouillot dans de vieilles malles, avec lesquels je fis ma « carrière» politique.

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Dessin de Plantu

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Ah ! Plantu (heureusement vivant). Avec lui, j’appris à connaître les « animaux politiques » Marchais, Mitterrand, Chirac, Pasqua, Bérégovoy, Cresson, Balladur, Le Pen, Villepin et cetera et ceteri.

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Une partie du « Zoo politique  » de Navarre…

Puis en Afrique, je découvris les satiriques ivoirien Gbich, togolais La Parole, Kpakpa Désenchanté avec l’excellent dessinateur çatirerisq (d’ailleurs je me demande où il se trouve aujourd’hui) et maintenant Pipo, Sika’a… avec les caricatures du Mondoblogeur Donisen.

Aujourd’hui, je suis triste parce que Cabu n’est plus là, Wolinsky… aussi. Mais je puis me consoler qu’ils m’aient aidé à devenir un « vieux routier » de la politique du monde. Qui a appris que, le rire reste la meilleure « arme d’expression » contre la violence, l’extrémisme et la lâcheté de certains ignobles. Bons coups de crayon Cabu, Wolinsky, Tignous et tous les autres…

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* Abonnez-vous alors à Charlie Hebdo.

A.H.

 

 

 

 

 

 

 


Harmattan « Bonne arrivée ! » On t’attendait

Harmattan sur la plage de Lomé
Harmattan sur  Lomé (Crédit photo: A. Honyiglo)

Ça y est, il est là ! Pas le nouveau Beaujolais ni l’ancien Sodabi, mais bien l’harmattan. Et mon « matériel» aussi est bien là:

Les éternels papier-mouchoirs,
Les éternels papier-mouchoirs,
le baume n°1 des Togolais…
le baume n°1 des Togolais…

et un pull-over léger. En cette nouvelle année, au réveil ce matin, j’ai plutôt un sentiment mitigé. Le thermomètre affiche 23 degrés Celsius. Je suis partagé, entre la bonne fraîcheur qu’amène cet harmattan et la frousse qu’il provoque chez les tout-petits. C’est vrai, les habitants des régions froides ne pourront peut-être pas saisir le phénomène. Partir des 30-35 degrés Celsius pour tomber douze ou sept degrés plus bas, pour nos corps qui ont été dans la chaleur tropicale toute l’année, c’est un peu comme quitter Tombouctou pour Tampere. Sortir de la chaleur torride pour rentrer dans le froid polaire.

Ceux qui je plains le plus donc, ce sont les enfants, les élèves. D’autant qu’aujourd’hui c’est leur rentrée, après les congés de Noel et du Nouvel An. Et l’harmattan n’a trouvé mieux que ce matin pour « sortir.» Les petits d’ici n’ont pas l’eau chaude au bout du robinet « rouge. » Ils doivent s’ils le peuvent, aller chercher du bois, du charbon pour faire de l’eau chaude. Et il y en a qui doivent se laver avec de l’eau froide ou même pas. Brrrrrrrrr ! Les pauvres. Pour rien au monde, je n’aimerai plus être à leur place. Mais :

– « L’éducation est la deuxième clé de notre liberté.» (Jean-François Zobel)

et « L’école, la meilleure porte de sortie de l’ignorance.» (Aristides H.)

                                                                                              (Photo :   )
(Photo : )

Alors, école, école et encore école. Harmattan « Bonne Arrivée !» Mais ne soulève plus les boubous en bazin riche des dames.

 

La ville de Ouagadougou avant...
La ville de Ouagadougou avant…

 

 

...et sous l'harmattan (Crédit photo: A. Honyiglo)
…et sous l’harmattan (Crédit photo: A. Honyiglo)


Une journée en argot loméen

Cathédrale_Lomé_Togo_photo_aristides_honyigloLa cathédrale de Lomé construite en 1901-1902 (Crédit photo A. Honyiglo)

Lomé au Togo, est la seule capitale au monde (à ma connaissance et j’espère me tromper, à l’opposé de Brazzaville et Kinshassa, elles séparées par un fleuve) à se situer sur une frontière, celle d’avec le Ghana. A l’origine, le lieu aurait été fondé au 17e siècle par un certain Dzitri. Mais la ville est « née » en 1879 à la suite d’ imbroglios diplomatico-admnistratifs entre les colonisateurs européens : anglais, français puis allemands.

La bande côtière à cet endroit, était occupée par des populations autochtones (les Bè), les esclaves affranchis d’origine africaine (revenus essentiellement du Brésil) et des commerçants européens. Cet ensemble généra une sorte de « patchwork » dominé par la culture et la langue éwé. En 1884, la colonisation allemande s’installe au Togo pour 30 ans ; suivie par l’administration provisoire anglaise (1914-1920). Puis, le mandat du Togo est «confiée » à  l’administration coloniale française de 1920 jusqu’à son indépendance en 1960. Aujourd’hui, la langue dominante à Lomé est le mina issu de l’éwé, avec des emprunts en français, en allemand, en d’autres langues togolaises et aussi un argot influencé par le voisin anglophone. Voici ce que pourrait donner les expressions d’une journée à Lomé, en argot mina traduit en français :

M’* tsé le naït’ a (J’ai dormi la nuit). Mornin’ a (Le matin), je me suis levé du bed (le lit). J’ai fait les pling’(aller au toilettes) et j’ai la (se laver). J’ai san na (saluer) mibo o** (femmes), adja o (les mecs) et copa o (copains, amis). Après, aka lom’ (j’ai eu faim) et j’ai cherché un pin(to) (pain) pour faire ti (thé, chocolat, petit déjeuner).

petit dej (geopolis.francetvinfo.fr)
Petit déj (Photo:geopolis.francetvinfo.fr)

Afta, taïma lé west (le temps filait) et m’to lé mé (je suis parti). Je n’ai pas de tuvoi (voiture) j’ai donc tché (peut-être du verbe to catch en anglais = attraper, prendre) un zed (« Z » diminutif de Zémidjan, moto-taxi) apso (moto).

En cours de trajet, on a miit (nous avons rencontré) les bol’ o (les policiers) qui nous ont arrêtés. Évidemment qu’ils voulaient prendre leur ébléa (argent, fric) ! Le zedman (conducteur de moto-taxi) a fait taméa glisser » quelque chose) et nous sommes repartis. Mais juste avant d’arriver au tra (travail), nous avons eu une panne sèche. On a payé du boudè (essence de rue, frelatée). J’ai donné au zed ses deux balles-cé (deux cents cinquante francs) et l’a sélè (laissé).

Moto_taxi_Lomé_Togo_photo_aristides_honyigloUn « Zed » sur sa moto-taxi (Crédit photo: A. Honyiglo)

Au boulot, j’avais chaud dans mon kpon (costume). J’étais un peu sick (malade). Mon tron-pa (chef, patron) rouspétait, mais nye m’ maïyi né o (je ne me préoccupais pas de lui). Je pouvais dire des fougan (foutaises), mais heureusement m’ to cleva (j’étais prudent) et n’a rien dit. A la pause, je n’ai même pas bèté (manger) le rimé (le riz) que j’ai baïy (acheter). J’ai juste bu un Pure water (poche d’eau en plastique). Afta m’to lé mé (après j’ai filé) yi zon (à la maison).

 

Pure water, poche d’eau en plastique (Photo: modernghana.com)
Pure water, poche d’eau en plastique (Photo: modernghana.com)

*M’ : je

**O : souvent marque du pluriel

 

Lexique alphabétique argot loméen

adja : mec afta :après en anglais aka lom’ : avoir faim – apso– apsonic, marque de moto

bed : lit en anglais bedy : matelas – bèté : manger – bol’ : policier – –bomi : filles- boudè : essence frelatée baïy :du verbe to buy, acheter en anglais

copa : ami

deux balles-cé : 250 Francs

ébléa : fric, argent

fougan : foutaise

maïyi : de mind, faire attention à – m’to lé mé : filer à l’anglaise miit : du verbe to meet, rencontrer en anglaismimbo : filles, femmesmornin’ ou moni : matin, de morning en anglaisnaït’ = nuiten anglais

oléyia = moto-taxi, littéralement «  vas-tu ? » en mina‘ouma = femme, maman

pato : pâte de mais ou akoumé – pin(to) : pain – pling’ : aller aux toilettes – Pure water : poche d’eau en plastique

rimé : riz

sa na : saluer – sélè : verlan de laisser- sick : être malade en anglais

 taméa : pot-de-vin, corruption – tché : attraper – ti : thé, petit déjeuner – taïm’a : tempsen anglais – tsé : dormirto cleva : être prudent en anglaistron-pa : patron tuvoi : verlan de voiture

west : du verbe to waste, perdre en anglais

 yi-ssè : laisser

zed : diminutif de Zemidjan, « z » moto-taxi – zedman : conducteur de moto-taxi – zon : maison

 A.H

 


Harmattan arrive, on t’attend !

Capture d’écran de la météo sur la chaîne LCF
Capture d’écran de la météo sur la chaîne LCF

Vers la fin de chaque année, il y a un « petit » phénomène qui arrive ici et (s’il ne laisse pas indifférent) me perturbe : l’harmattan.

Tous les enfants qui ont fait ou font école au Togo l’écrivent. Cela, à partir du Cours élémentaire CE1 dans leur cahier d’« Histo-Géo.» Avec une écriture appliquée, écoliers et écolières couchent sur les lignes et interlignes, cette leçon classique :

  • «Géographie:Les éléments du climat : les vents.

    Retenons : Le vent, c’est de l’air en mouvement. L’harmattan et la mousson sont les deux vents qui soufflent au Togo.
    L’harmattan est un vent froid, sec et poussiéreux qui souffle du nord vers le sud. Ce vent apporte la sécheresse… »

Harmattan qui es-tu pour m’avoir donné et se prépare une fois de plus, à me donner du souci en cette fin d’année ? Est-ce toi qu’ « Armand attend » ou tu es « Jonathan » comme le crie un petit neveu. Qui es-tu donc pour m’avoir valu il y a des lustres trois fessées, juste pour avoir omis un « s » final dans un devoir sur toi ? Ouillle aïïïe laaa… maître Amouzou ! Aujourd’hui, on ne donne plus le coup de bâton (comme à notre époque). Mais c’est sûr, toi et ta copine la mousson , allez encore donner du fil à retordre aux élèves des CE et CM. Je ne peux pas dire vraiment que je te déteste, mais tu m’intrigues tous les ans. A cause de toi, je dois encore « aller sur le net » malgré cette connexion que même une tortue dépasse. Que n’ai-je pas utilisé ? L’ADSL, la clé 3G ; la 4G (?), la Hélim, la Togocel je ne sais plus. Rien n’y a fait. Le mondoblogeur Eteh Adzimahe se demandait il y a deux mois, s’il fallait « dire un requiem pour la connexion Internet au Togo » ? Je crois que le requiem est fini et qu’on est en pleine sortie de deuil ! Internet existe-t-il encore au Togo ? Avec ce débit, je crois que je vais bientôt jeter l’éponge pour l’aventure Mondoblog. Nous voici donc sur Google et cherchons harmattan.
Pour résumer, deux centres atmosphériques se partagent l’espace au-dessus de l’Afrique. Aux latitudes subtropicales, des centres de hautes pressions ou Anticyclone (A) et aux latitudes équatoriales des centres de basses pressions ou Dépression (D). Des vents réguliers, les alizés, soufflent des hautes pressions vers les basses pressions. Les alizés du Nord-Est, secs et chauds constituent l’harmattan. Les alizés du Sud-Ouest chauds et humides forment la mousson. La zone de rencontre entre la mousson et l’harmattan est le Front Intertropical ou FIT. Ce FIT est dévié par la force de Coriolis à droite dans l’hémisphère nord. Et c’est cela avec le mouvement apparent du soleil, qui détermine l’alternance des saisons sèches dans la zone intertropicale etdonc l’harmattan.

Capture d’écran de la météo avec le FIT le long de l’Afrique de l’ouest
Capture d’écran de la météo avec le FIT le long de l’Afrique de l’ouest

Il y a quelques années, neuf ou dix, Harmattan tu survenais vers la mi-novembre. Juste après la dernière pluie de la petite saison pluvieuse de septembre à octobre. Et le lendemain d’après cet orage, vers 3 heures du matin, tu pointais ton nez en léchant les nôtres, en les fragilisant. Puis tu nous réveillais par une légère brise fraîche, froide qui nous transperçait le visage, le corps et puis les os. La température descendait même à 16° Celsius. Tu nous apportais « l’hiver » cadeau, sans qu’on aille au Consulat de France, Avenue Général de Gaulle ; pour une demande de visa court séjour. Sans qu’on vive les tracasseries et le stress des formalités de voyage pour l’espace Schengen.
Mais depuis trois ans, Harmattan tu ne viens qu’en décembre, en janvier voire en février comme cette année. Et au lieu de nous apporter la fraîcheur, tu nous rapportes la « chaudeur.» Peut-être que je me trompe, mais est-ce cela les « changements climatiques ?» Ou l’«effet de serre, » qui nous cuit, serre le cou et les poumons jusqu’à nous étouffer ?
Harmattan, je t’aime bien parce que tu mets la « clim » gratuitement dans nos chambres la nuit. Grâce à toi, on peut rattraper la lessive dans la soirée car tu sèches le linge dans la nuit, « propre !» Mais ces dernières années, je crois que tu exagères. Tu en abuses même. A cause de toi les chambranles se gonflent, les portes se dégonflent, les paumelles crissent et les clés se coincent. Les tableaux se fissurent tandis que les meubles explosent littéralement. Les plantes, les fleurs sont défleuries et les arbres entrent en défeuillaison. Tu assèches les cours d’eau, dessèches les routes latéritiques qui inondent à leur tour, tout de poussière. Des marchandises en passant par les literies, les habits, la nourriture, les livres… tout est recouvert jusque dans les moindres interstices, par cette impertinente fine poudre jaunâtre de sable saharien. À chaque passage d’automobile, c’est la « Croisière jaune.» La visibilité est réduite souvent à moins de dix mètres, avec ta brume sèche.
Harmattan, toi seul tu nous apportes la poussière, le rhume, la grippe, la toux. Mais comme si cela ne te suffit pas, tu ramènes aussi la méningite, le choléra, et qui sait le tristement ebola (?) Que t’avons-nous fait ? Quelle faute l’Afrique de l’Ouest a-t-elle commise envers toi ? Il paraît que tu cours jusqu’en Afrique Centrale. Non, c’est trop. Nous qui pensons oublier avec ta venue, ta copine la mousson et ses scènes d’inondations. Doit-on la préférer avec sa cohorte de moustiques à toi ? Je ne sais vraiment plus. Un proverbe de chez nous dit : « Vendre le voleur, pour acheter le sorcier.» Du mauvais au pire donc.

Scène d’inondation à Lomé en 2013 (Photo : A. Honyiglo)
Scène d’inondation à Lomé en 2013 (Photo : A. Honyiglo)

Tu transformes les nez en papier mouillé, à force de se moucher toutes les 47 secondes. Tu nous « blanchis » nous faisant ressembler à des enfants de meunier. Ton vent sec gonfle les boubous des hommes comme s’ils voulaient faire du parapente. Tu vas jusqu’à soulever les boubous en bazin riche des femmes ! Wallaï, « Sacrilège à Mandali. »* Tu malmènes leur belles peaux, les tortures, asséchant les grasses et fendillant les sèches. Les lèvres sont pâles comme celles d’un ancien buveur de Sodabi**. Les ongles cassent, les yeux deviennent rouges. Même les hommes pas très prompts à flirter avec les produits cosmétiques sortent eux aussi les armes anti-harmattan (AAH) : brillants, baumes, crèmes, pommades, beurre de karité… Moi qui voulais rester le dernier Togolais à n’avoir jamais utilisé le célèbre « Victago », je crois que je vais aussi m’y mettre cette année, en ce mois de décembre même.
En tout cas, « Qui veut la paix, prépare la guerre, » « On ne montre pas à son adversaire, la pierre qu’on va lui jeter etc.,» mais Harmattan, une info pour toi. Saches que cette année, je me suis préparé, me suis doté. J’ai acquis moi aussi des AAH et n’a pas peur de te les montrer. Ce sont : mes boîtes de « Victago »

Le baume n°1 des Togolais (Photo : A. Honyiglo)
Le baume n°1 des Togolais (Photo : A. Honyiglo)

… et les irremplaçables paquets de papier-mouchoirs.

Qu’est-ce que tu croyais ? Harmattan arrive vite, je t’attends !

* « Sacrilège à Mandali«  : Roman de Adovi John Bosco Adotevi (Togo)
**Sodabi : eau-de-vie forte du Togo, obtenue par distillation du vin de palme, lui-même tirée du palmier à huile

A.H


19 novembre; Journée internationale de l’homme

Pho
Homme au foyer ( Crédit Photo Africa Remix Label)

Depuis la célébration de la Journée de la femme, je réfléchis. C’est vrai, j’aime bien pousser la réflexion. Toute une journée pour la femme ! Pourquoi pas autant pour l’homme ? A quand la Journée internationale de l’homme ? Et pourtant, croyez-moi, elle existe.

Monsieur Ban-Ki-moon et ses fonctionnaires internationaux devraient y penser sérieusement. Puis, je me rappelle le 10 décembre : la journée internationale des droits de l’homme. Youpp !!! Mais sainte déception, très vite je me rends compte qu’au lieu de l’homme-masculin, l’homme ici désigne plutôt les humains, le genre humain en général, les femmes et hommes y compris naturellement.

(Crédit Photo: UN.org)
(Crédit Photo: UN.org)

Abattu, déçu, je fouille, farfouille quand même. Et divine surprise, je découvre enfin la fameuse journée. Oui, mes chers moustachus, barbus, poilus et même imberbes ; vous avez aussi votre jour. Yes-oui-canne. Ou si vous préférez les « deux grenades et un bâton* », vous possédez une journée. C’est acquis, c’est dédié, c’est même officiel. Pas d’inquiétude, je vous la donne, c’est aujourd’hui le 19 novembre : la journée internationale de l’homme, créée depuis 1999 et qui vous est entièrement consacrée. Vous ne le saviez pas ? OK, ce n’est pas de votre faute, moi aussi je l’ignorais jusqu’à très récemment. Ce jour donc, aujourd’hui même, vous pouvez y allez franchement vis-à-vis de votre seconde moitié. Par exemple, rester au lit jusqu’à midi pendant qu’elle rend la maison propre et vous, pendant ce temps lisez le journal. Lorsqu’elle est à la cuisine, vous pouvez regarder sur écran plat système Dolby Stéréo, Arsenal-Tottenham les pieds croisés sur le guéridon. Pendant qu’elle est au four, vous pouvez écouter la radio bien assis dans un fauteuil ou pianoter sur le clavier Bluetooth de votre PC bien calé dans votre chaise. Pendant qu’elle est au moulin, mangez cinq ou six boules d’Akumé ou de foufou, toujours préparées et pilées par foufoumix elle; trois ou quatre plats de riz arrosés de deux ou trois chopes de bonne bière (de mil ou de malt) pendant qu’elle, l’épouse, allaite le rejeton créé neuf ou douze mois auparavant. Ça, c’est le côté salon.

Le celèbre plat Akumé des Togolais (Crédit photo: cuisine228.facebook.com)
Le célèbre plat Akumé des Togolais (Crédit photo: cuisine228.facebook.com)

Vous n’avez jamais vu une femme au travail. Travail veut dire originellement en latin : instrument de torture. Non, je ne parle pas du travail, l’« ensemble des phénomènes physiologiques qui conduisent à l’expulsion de l’enfant lors de l’accouchement (Larousse) .» Moi (Rodolphe) j’ai déjà fait une fausse couche et ne veux plus ja-mais en faire. Je parle du travail de maison, des travaux ménagers. Sandra vous en met plein les yeux de « l’esclavage » que nous laissons subir les Eve, les Awa, les Afoua… sans rien dire.

Côté jardin, quand vous êtes dans la chambre, pouvez lui demander tout ce qui vous passe par la tête, elle est consentante. Quitte à elle de porter les neuf lunes suivantes, le fruit de ce que vous-même vous savez. Elle l’aura bien cherché. Vous êtes content(s) non ? Vivement que cette journée dure longtemps. D’ailleurs n’est-elle pas célébrée tous les jours de l’année ? Mais une dernière chose, faites vite baisser votre enthousiasme. La fête de l’homme, la journée internationale de l’homme n’a d’internationale que de nom. Vous ne comprenez sans doute pas. Je vous l’explique. Cette journée n’est célébrée que dans un pays, distant, éloigné, lointain : Trinité-et-Tobago. OK vous êtes KO ! Vous ne connaissez pas. C’est le pays de, Ato Boldon, qui a remporté de nombreuses médailles aux 100 m et 200 m, avec notamment une médaille d’argent sur le 100 m aux Jeux olympiques de Sydney en 2000. Celui également de Dwight Yorke, l’attaquant trinidadien qui a évolué plusieurs années dans l’équipe de Manchester United avec laquelle il a remporté de nombreux titres dont celui de meilleur buteur de la Ligue des champions. Un archipel de 4827 km2 avec de jolies îles.
Si vous habitez l’Afrique ou ailleurs, et on prend Lomé comme hub ; la ville connue la plus proche de Trinidad-et-Tobago est Caracas au Venezuela. Claro que si, au pays de Chavez. La distance non-stop selon une carte aéro équivaudrait à 7 850 kilomètres. La distance Lomé-Caracas par voie maritime, sans cabotage, avoisinerait (ça c’est selon moi) les 9 000 kilomètres. Et encore, même arrivé sur place comment vous y prendrez-vous pour rallier Trinidad ? Je ne le sais pas. Car selon la mondoblogeuse Mylene, les randonnées intra-îles dans les eaux bleues et turquoise des Caraïbes ne sont pas un jeu d’enfant. Combien de mois vous faudra-t-il épargner sur votre salaire pour y aller ? Combien d’années pourriez-vous serrer la ceinture pour réaliser ce rêve ? That is the question, autrement « la date c’est la question.» Ne souriez pas, c’est sérieux.
La chose dont je suis certain, c’est que le temps de finir de rassembler cette épargne pour matérialiser ce rêve légitimement machiste, je crains que vous ne soyez au seuil de la retraite, sur la route de l’autre monde, ou si vous voulez aux portes des six pieds sous terre. Ne m’en voulez pas et surtout prenez votre courage à deux, trois, voire…quatre mains !
https://www.youtube.com/watch?v=ar8S-7wArHE&list=RDar8S-7wArHE
*Deux grenades et un bâton : expression de l’ex-président togolais Gnassingbé Eyadema, un ex-militaire qui aimait faire des métaphores militaristes. Il toisa ainsi un jour des étudiants un peu couards, leur demandant s’ils n’avaient pas « deux grenades et… un bâton (de couilles) ? » En clair n’étaient pas hommes, courageux ?

A.H


Péril plastique dans nos plats

À Lomé, acheter le moindre article dans une boutique, au coin de la rue, au marché ou au supermarché, donne droit à un sachet plastique, noir si possible. Que cela soit de l’habillement, des livres, des médicaments, même de la nourriture ou je ne sais quoi ; tout est bon pour être emballé dans du « plastoc.» Et l’on a presqu’oublié que, la majorité des objets en plastique est fabriquée à base… du pétrole ! Un risque de dangers si l’on ne prend pas des précautions.

18h00, je descends, je décroche, rentre à la maison. Et j’ai la dalle, mais alors là, indescriptible. J’ai faim comme (excusez-moi) deux « Somaliens » réunis, dans un camp de réfugiés. Pourquoi aller jusqu’à la maison pour jongler avec les casseroles avant de manger, alors que juste à côté il y a une cafétéria Dialo ? J’ai vécu l’enfance avec les Diallo de Guinée et me suis aussi toujours considéré comme un Soninké, un Malinké ou un Sahélien perdu sur la côte du Golfe du Benin. De fait et grâce à la parenté à plaisanterie, je crois que je peux me permettre certaines blagues avec mes cousins Pullar. Mais ce n’est pas le cas ici dans mes propos. Qu’on ne m’accuse donc pas de rendre péjoratif ce patronyme. D’ailleurs les « Dialo » eux-mêmes le revendiquent. Ce nom est devenu générique pour désigner ces fast-foods africains, même si les plats n’ont rien d’Afrique… En général tout pour un petit-déjeuner à l’anglaise, et très souvent des pâtes alimentaires, du bon maca(1) quoi ! En réalité, du spaghetti plus la moitié d’une baguette de pain avec en bonus, un Pure water (de l’eau dans une poche plastique), quelques arômes rémanents de bouillons de poulet nourris aux antibiotiques, de l’aspartam et de la maltodextrine.

Une cafeteriat à Lomé (Photo: A. Honyiglo)
Une cafeteriat à Lomé (Photo: A. Honyiglo)

Je passe ma commande : « Plat spaghetti, à emporter !» Le code, semblable à une conversation entre un pilote de ligne et un contrôleur aérien, le tenancier-cuisinier l’a compris. Une télé, écran presque plat, diffuse le journal de France 24. Encore un de ces djihadistes fous qui s’est fait tiré pas loin de Gao, un de moins en tout cas. Les habitants de cette ville pourront dormir en paix quelques temps. Dix minutes après, le commis de Dialo me tapote sur l’avant-bras. J’ai compris: mon plat est prêt. Puis, il est en train de me l’empaqueter dans un Tupperware ou « à emporter » fait en polystyrène. Quoi, du «Six ?» Non, je n’en veux pas. Je voudrai bien mettre six cents balles pour un bon plat de maca, mais ne pas acheter en même temps la mort. Je lui explique que le polystyrène comme presque toutes les matières plastiques, est fabriqué à base du pétrole et sert normalement à emballer les appareils Hi-fis, ménagers. Il ne devrait donc pas contenir de la nourriture, de surcroît chaude. Imaginez un bon plat de spaghetti et à côté une assiette remplie de pétrole. Je ne veux pas vous faire perdre l’habitude de manger italien, pâtes et nouilles compris ; mais voilà approximativement l’image que nous devons avoir à l’esprit pour comprendre le problème. Rien n’y fait. J’ai l’impression de parler à un mannequin de vitrine de prêt-à-porter, sourd comme un malentendant. Et il m’emballe le tout avec probablement en bonus dans mon plat, de micro-libérations de styrène, une substance chimique cancérigène présente dans le polystyrène. Je ne bouge plus, je dois rester stoïque. Concrètement que puis-je faire d’autre ? J’ai faim et ma seule préoccupation, c’est de remplir les 1000 cm3 approximatifs de mon petit estomac. Que le styrène soit mélangé au pain, aux spaghetti et transformés en bouillie claire : le chyme, évacué après par jets successifs où vous savez, n’était pas mon problème.

Un plat de spaghetti dans un Tupperware (Crédit: Google images)
Un plat de spaghetti dans un Tupperware (Crédit: Google images)

Des plats pas nets

La semaine précédente, un ami m’a raconté une histoire invraisemblable sur ces fameux plastiques. Celle d’un jeune homme, à qui on a emballé du spaghetti dans un « à-emporter.» Problème, le plat était tellement chaud que le container a tout simplement fondu. Spaghetti et polystyrène se sont confondus dans un bouillon indescriptible, très odorant. Le client est revenu pour un autre colis qui après, a de nouveau « coulé.» Cette fois-ci, le cuisinier voulait faire du plat au jeune qui était tout, sauf un jeûneur. Le jeunot aussi de son côté, se nourrissant de la célèbre expression : « Ventre affamé n’a point d’oreille,» voulait en faire tout un saladier. Commençant par bander ses biceps, il s’en est fallu de peu pour en venir aux mains avec le traiteur. Invraisemblable, et pourtant elle est réelle cette histoire. Un aliment très chaud peut facilement faire fondre un emballage en plastique.

Si on doit énumérer le nombre de fois où on est confronté à ces risques d’intoxication; je crois qu’on ne mangerait rien du tout. Pourtant, il n’est pas loin le temps où chacun allait acheter de la nourriture, les condiments dans ses propres plats ou sacs en toile. Aujourd’hui, tout le monde veut faire moderne et croit que tout est bon pour être mis dans du sachet plastique. Le matin, c’est dans un sachet translucide qu’on prend la bouillie du petit déjeuner. A la pause de midi, la nourriture, généralement du riz ou de l’akumé(2) est délicatement emballée dans du plastique noir, doublé avec celui de la sauce. Enfin le soir, si l’on juge n’avoir pas de temps pour se faire un petit dîner, on court acheter quelques boules de Kom(3) chez la tantine Komto(4). Faudrait-je le rappeler, le Kom c’est l’aliment de tous les prolétaires Togolais, du moins, qui les aide à tenir encore debout ; tellement il y a la sous-alimentation ici dans ce coin d’Afrique !
 Le fameux « Kom » sauveur de tous les prolétaires (Crédit photo : cuisine228.com)
Et bis repetita. C’est bien sûr dans une garniture de sachets plastiques qu’emballées, les sphères chaudes de maïs dansent le Gweta. Pendant ce temps, la sauce pimentée fait des démonstrations de Cool catché dans un autre emballage en polypropylène. Ainsi une ou deux fois, sinon la moitié de la semaine, l’on ne cesse d’ingurgiter tous ces gaz et particules cancérigènes issus des objets plastiques. Et de me répéter cette incongruité, pour me rassurer : « les microbes ne tuent pas l’Africain. » Comme si -l’Africanus africanensis- lui, il venait de la Voie lactée. Le Ciel nous garde !

Kigali, Kigali, Ki-ga-li

Alors que ces matières plastiques mettent plusieurs siècles avant de se décomposer, comment lutter contre cette menace ? Un décret a interdit l’importation, la vente et l’utilisation des sachets plastiques au Togo depuis deux années. Mais rien. Depuis un mois, tout opérateur qui importe ou produit des emballages plastiques non-biodégradables, devra dorénavant payer une amende de 10 millions de Francs CFA. Mais toujours rien et je doute de la concrétisation de cette loi. Il y a dans les marchés, l’étalage de toute la gamme de sachets plastiques que les plasturgistes peuvent s’enorgueillir de nous fabriquer. Des fins, des épais, des transparents, des packs, des irisés, des vifs aux unis, il y a en de toutes les formes et de toutes les couleurs. Sans compter les « dégradables, » les biodégradables ou les oxo-biodégradables dont le principe de précaution et mon instinct de survie doutent de la réelle « dégradabilité.» Comment le plastique peut-il se dégrader ou se biodégrader ? Que l’on me l’explique en détail. Un reportage de France 24 a montré comment au Rwanda, les autorités luttent pour interdire l’entrée (illégale) du plastique dans ce pays. Pourquoi ne pas prendre finalement et définitivement exemple sur les politiques environnementales comme celle de Kigali? Même si en dormant, je puis affirmer que les frontières africaines n’ont d’étanchéité que la « grandeur » de l’épaisseur du papier cigarette. C’est-à-dire rien. Pourquoi ne pas prendre exemple sur Kigali ? Oui, Pourquoi pas ? Et de me répéter comme une comptine Kigali, Kigali, Ki-ga-li…

Mini-lexique (gastro)
1 Maca = diminutif de macaroni, désigne les pâtes alimentaires
2 Akumé = pâte de farine de maïs barattée et cuite à l’eau
3 Kom = boule de maïs cuite à la vapeur d’eau
4 Komto = vendeuse de Kom

Aristides Honyiglo


Où se cachent le maître Compaoré et son bâton de la « fessée électorale » ?

L'ex-président Compaoré (Credit photo Google imagesà Alors que je m’apprêtais à « revenir » début novembre sur Mondoblog, les événements de Ouagadougou me contraignent à m’épancher sur ce qui se passe dans ma maison. M’étant toujours considéré comme un Sahélien perdu sur la côte de l’Atlantique, je ne peux rester muet alors qu’il y a une situation préoccupante chez moi. Qu’en tirent les dirigeants, les chefs d’Etat et autres présidents de la République d’Afrique, ces dictateurs-là, à faire du mal à leurs peuples ?

Le 15 octobre 1987 au Burkina-Faso, le capitaine Blaise Compaoré prenait le pouvoir dans le sang pour disait-il, « la Rectification » de la Révolution qu’il avait entamée quatre années plus tôt avec son frère d’arme Thomas Sankara. Sankara mort, le capitaine Compaoré est devenu président de la République à la faveur du discours de la Baule. Puis le président Compaoré n’a plus voulu quitter les délices du pouvoir. En 2005 ? à l’issue de la présidentielle, Blaise Compaoré, du moins un de ses partisans s’est alors targué que Blaise a « massacré » et donné une « fessée électorale» à l’opposition. Comme si les opposants étaient des écoliers !
Le 15 octobre 2014, cela fait 27 ans que Sankara est mort et que Blaise Compaoré est au pouvoir. Alors que tout le monde convient que c’est son dernier mandat à la tête du Burkina-Faso, Compaoré caresse depuis des semaines le projet de modifier l’Article 37 de la Constitution Burkinabé qui limite le mandat présidentiel à deux. Puis est venu le 30 octobre 2014 qui a sonné le glas de son pouvoir. A ce propos, je me pose la question de savoir pourquoi les chefs d’Etat africains veulent coûte que coûte s’agripper au pouvoir et y mourir ? Pourquoi veulent-ils rester au pouvoir en dépit des dispositions constitutionnelles qu’ils font parfois voter eux-mêmes, faisant « sauter » s’il le faut les verrous limitant les mandats présidentiels ? Personnellement, moi je ne comprends pas et ne pense pas comprendre un jour. Ces présidents de la République préfèrent mourir borgne, hypertendu et «prostateux» au pouvoir ; que de profiter d’une bonne retraite et d’honorables avantages post-présidentiels. Dans la « profession » de chef d’Etat en Afrique, on ne fait jamais valoir ses droits à la retraite après de « bons et loyaux services rendus à la Nation ? » « Le pouvoir rend fou » (François Mitterand), je l’ai déjà mentionné et très peu l’ignorent encore. Même le fait de craindre des poursuites judiciaires du fait de leurs nombreux crimes physiques, financiers et moraux, ne justifient cette propension à s’accrocher à la tête des pays. Gnassingbé Eyadéma a régné à la tête du Togo durant 38 ans ! Il est mort au pouvoir en 2005. Le « Maréchal » Mobutu Sese Seko Kuku Ngbendu Wa Za Banga de l’ (ex- Zaïre) actuel RDC a fait 32 ans au pouvoir avant d’en être chassé et d’aller mourir malade au Maroc. Le président Omar Bongo Odimba a fait 42 ans de règne au Gabon et est allé mourir, malade dans un hôpital espagnol. Les cas de dirigeants africains ayant passé ou bouclant 20, 30 années ou plus au pouvoir sont légion. Finalement à y penser, a quoi sert-il de vivre tous ces privilèges du pouvoir pour terminer par une fin triste. Moussa Traoré l’ancien président malien suite à la révolution des populations en mars 1991, a été arrêté, jugé et mis en prison ; il n’en est pas mort pour autant. Moussa Traoré a purgé sa peine, puis est sorti du violon. Il est aujourd’hui un vieil homme qu’on peut rencontrer dans les rues de Bamako. Même si les morts qu’il a fait tuer ne reviendront plus à la vie, Moussa Traoré a payé le prix du sang, il a plus ou moins « payé » le prix de ses « crimes » à la société des hommes. Le reste, qui est métaphysique c’est avec son Dieu qu’il verra cela.

« Président Compaore Ebola »

Ce slogan n’est pas de moi, ce sont les manifestants du Burkina-Faso qui l’ont crié le jeudi 30 octobre 2014 dans les rues de Ouagadougou. Où se cachent le maître Compaoré et son bâton qui avait servi à donner « la fessée électorale » à l’opposition burkinabé ? Burkinabé, voilà ce qu’on appelle un Vrai Peuple, intègre, décidé et qui fait ce qu’il dit! Si « ce président-là, il faut qu’il parte…, » et il est parti. S’il le veut, on lui prêtera un dromadaire pour quitter le Burkina. Que cela serve d’exemple aux autres peuples d’Afrique, léthargiques, et anesthésiés. Le peuple du Burkina-Faso n’a pas attendu un « Messie » extérieur pour se libérer. L’Afrique est assise sur des trésors géologiques dans ses terres. Et pourtant l’Afrique végète dans le sous-développement. Beaucoup reprochent aux « Blancs » néocoloniaux d’asservir l’Afrique. Pourtant contre qui se battent les peuples au quotidien pour leurs libertés. Qui tirent sur leurs propres populations lorsqu’elles réclament la moindre parcelle de leurs droits. Je ne crois pas que ce sont ces « Blancs » néocoloniaux. La réponse est là béante devant nous. « Les ennemis de l’Afrique, ce sont les Africains.» Et cela, le grand chanteur Alpha Blondy l’a fredonné depuis des années déjà. L’Afrique possède toutes les potentialités pour accéder au développement, au même titre que les autres continents qu’on désigne sous le vocable de « développés ». Mais depuis cinquante ans, depuis les fameuses «indépendances des années 1960,» les populations ne se battent que contre les gardes prétoriennes des dictateurs africains ; les peuples ne sont empêchés dans leur élan pour accéder au bien-être que par la soldatesque des autocrates africains. Ce sont bien les chefs d’Etats, les présidents de la République, les dictateurs africains qui tuent, massacrent à tour de bras leurs propres frères et sœurs, les empêchant ainsi d’avoir les coudées franches pour s’exprimer et s’extérioriser sur tous les plans.

Sur la côte du Sahel, les manifestants et leurs frères soldats de la Grande Muette ont sympathisé et l’on ne pourra plus compter longtemps sur eux pour trucider le peuple. Tout ce que nous pouvons souhaiter, c’est que la transition qui s’annonce au Burkina-Faso aille pacifiquement à son terme et qu’un nouveau président de la République soit élu par les Burkinabé en 2015. Un proverbe de chez nous dit que : « l’enfant qui (pleure et) ne veut pas laisser sa mère dormir, lui non plus ne dormira pas. » Que cela serve de leçon aux roitelets d’Afrique qui ont (encore) l’intention de s’éterniser au pouvoir. Chefs d’Etat, présidents de la République et dictateurs d’Afrique, si vous ne voulez pas laisser vos peuples vivre dans la paix et le bien-être ; (nous) le peuple aussi ne vous laisseront jamais en paix ! Vive la jeunesse, vive le peuple Burkinabé, pour son courage ! LA PATRIE OU LA MORT NOUS VAINCRONS.

Aristides Honyiglo