Aristides HONYIGLO

La Maison de la Presse à Lomé

La Maison de la Presse à Lomé
La Maison de la Presse à Lomé

A l’occasion de la Journée internationale de la Liberté de la Presse, je voudrais vous faire un spot sur l’un des rares lieux de rencontre des journalistes togolais ou étrangers au Togo. En l’occurrence, la Maison de la Presse à Lomé. Elle est bien modeste, mais mérite bien qu’on s’y attarde et s’intéresse.

Elle n’est pas aussi grande que la Maison de la Presse à Bamako ou moderne comme le Centre d’Accueil de la Presse de Paris. Et pourtant, c’est l’un ou le seul endroit en définitif dédié aux journalistes au Togo. La Maison de la Presse est située dans un petit quartier excentré de la capitale togolaise, Lomé. Pour commencer, j’ai demandé à trois personnes étrangères à la profession de journalisme, dans des quartiers différents de la ville, la situation géographique de ce centre. Aucune n’a été en mesure de me le situer. L’une des personnes m’a affirmé ignorer l’existence d’une telle Maison. La deuxième a confié qu’elle n’existe plus et la dernière, parent d’un homme de média  affirma qu’elle se trouverait à Nukafu. C’est-à-dire, manque de pot, à l’ancienne adresse. Pour sa visibilité, beaucoup reste à faire.

Pour vous simplifier la tâche et vous y rendre, demandez le quartier Tokoin-Trésor, non loin de l’avenue de la Libération et je suis sûr que vaille que vaille vous vous y rendrez ! Et donc, plus trop loin du « Rond-point Trésor » vers l’ouest, derrière un pâté de maisons anciennes, sur une route en latérite et nids-de-poules. Le quartier est à la limite de la salubrité mais que voulez vous. C’est le lieu que les initiateurs ont pu trouver pour s’acheter le lot de terrain urbain, en surenchère dans la capitale. Les spéculations foncières ont la dent dure intra muros et on peut rarement trouver un lot en deçà de la trentaine de millions de francs Cfa. Celle-ci a coûté près de 50 millions de Francs Cfa.

Juste à la devanture de la villa abritant la Maison de la Presse, le cadre est assez joli. Des bougainvilliers surplombent le mur de la demeure peint d’un rose ocre. Il faut dire que la Maison de la Presse a été rénovée en début de cette année. Le bâtiment à un seul étage, est modeste avec des balustres qui lui donnent plutôt l’aspect d’un lounge espagnol.
La journée internationale du Jazz, c’était il y a quelques jours, et je me dis qu’un promoteur de jazz-club y aurait fait fortune. Une petite porte forgée donne sur le hall d’entrée qui sert d’accueil et de secrétariat, avec la paperasse qui caractérise les journalistes : c’est de la documentation ! Des lots de quotidiens, d’hebdomadaires, de revues, de magazines, etc. Juste sous les murs, deux armoires en bois comportent des casiers avec des titres de journaux. On peut y lire entre autres: « Liberté », « L’Alternative », « Sikaa », « Golf Info » « Le Libéral »… A droite, une salle avec une connexion Internet. Le directeur de publication d’un hebdo est fortement concentré sur son labtop, tandis qu’un photographe-reporter est perdu sur son ordinateur. Quid du débit de la connexion. A l’étage il se trouve un assez grand espace pouvant y accueillir une centaine de personnes. On peut s’y désaltérer aussi. Il est quatorze heures et en ce début d’après-midi de canicule, il n’y a pas foule. J’aurai voulu rencontrer Monsieur Honoré Blao, le maître des céans, mais il n’est pas là et nous n’avons pas aussi rendez-vous.

La Maison de la Presse de Lomé inaugurée en 2007, comprend exactement une grande salle de réunion, trois bureaux, un secrétariat, une salle d’attente, un kiosque à journaux, deux salles de cours, une cuisine, un bar et une grande terrasse. Elle offre des formations, des séminaires aux journalistes à des coûts préférentiels. Elle abrite également les rencontres entres communicateurs et assimilés, comme la célébration de la Journée de la Liberté de la Presse.

L’initiative d’une Maison de la Presse date du début des années 1990, époque du processus dit de « démocratisation » des pays africains, où la presse privée a refait surface au Togo. En 1996, une convention entre la Mission Française de Coopération au Togo et l’Union des Journalistes Indépendants du Togo (UJIT) a permis la naissance de l’ex-Maison du Journalisme située à l’époque à une autre adresse, dans le quartier Nukafu. A l’heure des innovations à grandes vitesses et des applications mobiles, les journalistes togolais se cherchent entre les salaires insuffisants, le manque de moyens de travail et des sautes de législations liberticides. La presse doit bénéficier de l’aide des autorités, au risque de tomber dans des travers ayant pour noms : corruption,  travestissement de la réalité et parti-pris pour des chapelles politiques.  Une seule école de formation universitaire, l’ISICA existe sur le campus de Lomé.

Mais il faut saluer le courage des hommes et femmes de médias, surtout ceux qui ont choisi de rapporter les faits dans la vérité parfois aux risques des menaces verbales, voire physiques. Pas ceux qui délibérément pour leurs bedaines et des intérêts inavoués, tronquent la vérité au mépris de la déontologie. Ils sont d’ailleurs une petite minorité mais se reconnaîtront. Passe avant tout, la liberté de la presse et partout !

Aristides Honyiglo


Devant Lomé, New-York est petit

Depuis 2005, de nouveaux immeubles à plusieurs niveaux sortent de terre dans les quartiers de Lomé. Ces parallélépipèdes en béton de sept, huit niveaux voire plus, poussent comme des champignons. Lentement mais calmement, l’on se dirige vers une « bétonnisation » en verticale de la capitale togolaise longtemps restée une ville basse.

       Alomé qui signifie « parmi les alo » en langue éwé, est le nom d’origine de la capitale togolaise. Ce nom vient d’un arbuste Sorindeia warneckeï, une anacardiacée appelée ici alo, servant de cure-dents et abondant au cœur historique de la ville. Alomé est devenu Lomé et capitale depuis 1897. A part quelques grands immeubles dont le fameux Hôtel du 2 février avec sa trentaine d’étages, la ville à l’aspect de gros bourg (colonial) aux rues rectilignes, abrite surtout des maisons « rez-de-chaussée », ou à toiture de tôles.

En février 2005, pour celles et ceux qui l’oublient déjà, un événement se produit dans l’histoire du Togo. Un grand immeuble ou plutôt un grand arbre tombe au pays. «Le Baobab n’est plus.» Ce ne sont pas les mots énigmatiques d’un télégramme, encore moins le titre d’un film primé au Fespaco de Ouaga de cette année-là. Ceux qui ne le savent pas, le «Baobab» est le surnom de l’ex-président togolais Eyadema. Ce surnom, lui-même se l’était ou ses opposants le lui avaient donné, du fait de sa « dureté » au pouvoir. Ce n’est pas de sa dureté au sens de cruauté dont il est question ici. Ce surnom fait référence à sa longévité sur le « trône » présidentiel. Car le monsieur a vraiment duré au pouvoir. Trente-huit ans plein, sans compter qu’il était dans l’antichambre du bureau présidentiel dès 1963. En tout, 42 années toutes rondes à un seul homme pour présider aux destinées d’un pays. Il faut le faire ! De quoi faire naître, grandir, scolariser, marier et faire élire au moins dix présidents américains à la Maison-Blanche, Washington, DC. Même Bongo, Mobutu ou les timoniers nord-coréens font figure de minimes ou cadets devant un tel record. Seul le «guide» libyen Kadhafi a failli ou battu cet exploit digne du Guinness Book. Impossible n’est pas togolais.

Vers la fin de l’année 2005, la sortie de terre de ces « gratte-ciels » n’ayant rien à envier à ceux de Manhattan, se fait remarquer. Blague. Le fait est là, depuis sept ans ces « boites à chaussures renversées » font florès jusque dans certaines banlieues de Lomé où l’électricité n’a pas encore été tirée. Pourquoi 2005 précisément ? Simple. Il est dit que le Baobab n’aimait pas voir dépassés les murs de sa résidence de Lomé 2, tout immeuble qui voulait faire concurrence à la tour de Babel. D’éventuels assaillants pouvaient s’y loger pour jouer aux snippers de Monrovia ou Sarajevo, et essayer de l’avoir dans leur collimateur. Mettez-vous à sa place. Plus on dure au pouvoir plus on a d’ennemis et une précaution vaut mieux que mille. Ainsi, les immeubles du voisinage du quartier présidentiel n’ont guère dépassé un ou deux étages. Sauf quelques rares exceptions.

En 2006, les nouveaux riches ayant thésaurisé l’argent, les mégalomanes l’ayant caché durant ces années de dictature, les blanchisseurs blanchi le sale, sans oublier évidemment des citoyens intègres qui l’ont gagné à la sueur de leur front, s’en donnent à cœur joie. Les architectes et les entrepreneurs tout autant, se frottent les mains. La tonne du ciment flambe mais on bétonne toujours. Attention ! Ceux qui se moquent tout bas de la situation actuelle du Togo, n’ont qu’à se préparer.  Quand ce pays aura cuvé son rhume, toute l’Afrique…

Car comme le disait Eyadema, « quand la case de ton voisin brûle, il faut l’aider à éteindre l’incendie… » De peur qu’après, le feu ne consume votre maison. Qu’ils n’oublient pas que le surnom du Togo est l’«Or de l’Humanité ». Bientôt si cela ne l’est déjà, des gisements d’or seront découverts ainsi que le pétrole. On en aura alors des arguments en béton. Quand nos gratte-ciels de huit, neuf étages finiront de sortir de terre, tout le golfe de Guinée et toute l’Afrique frémiront. Tans pis pour les lanceurs d’avions sur tours et autres djihadistes dans le désert. Ezo djé miadji (le feu sur vous)! Des pétrodollars couleront à flots dans les vannes.

Quant à vous nos voisins, rassurez-vous, l’on vous en donnera un peu. Tout le monde connaît l’hospitalité et la gentillesse togolaises. Il suffira juste de bien gérer et ne pas oublier d’ouvrir un compte bloqué pour les générations futures. Ici, nul besoin de payer 25 francs Cfa chaque manguier ou baobab déraciné. Puisque tout se passera dans l’océan Atlantique. D’ailleurs la dernière fois à la plage de Lomé devant l’hôtel Ibis-Centre, j’ai vu quelque chose. Sur l’horizon, derrière la file de navires étrangers venus s’abriter dans les eaux territoriales togolaises contre les nouveaux pirates de mer, j’ai aperçu quelques formes. Loin, très loin au large, de mes propres yeux j’ai vu des derricks de plateformes pétrolières. Sont-ils de fabrication koweitienne ou norvégienne ? J’avoue que je n’ai pu le déterminer. Ce qui était certain, le crépuscule gagnait la plage et les pirates de terre : les petits voleurs de portables sortaient d’où on ne sait. Ce n’était pas le moment de risquer une mise sur mon Samsung R-350. Pour moi, la meilleure attaque étant plutôt la défense, j’ai choisi de vraa (déguerpir) !

Aristides Honyiglo

 

 

Immeuble en construction à Lomé


Moi Rodolphe j’ai fait une fausse couche

Les routes africaines en ville ou en campagne, souvent mal conçues, mal exécutées et surtout mal entretenues se détériorent quelques années seulement après leur construction. Elles deviennent alors de véritables pièges à accidents et leurs états piteux font l’objet de discussions entre usagers. Mais qui parle des cas de femmes enceintes, qu’ayant juste emprunté le temps d’une course une route défoncée, ravinée et cahoteuse perdent leur grossesse.

Pas facile de narrer sans quelques explications, les contours de cette « aventure mystérieuse », qui m’est arrivée. Je suis né durant un mois de juin. Plus exactement le vingt-et-unième jour. Cette date marque des événements particuliers : souvenir des martyrs anticoloniaux togolais, fête de la musique dans le monde, solstice d’été… J’habite Lomé et vous prenez la plupart des cartons de calendrier au Togo, la mention qui y figure ce jour est : Fête des Martyrs. Sur le calendrier grégorien, commun, c’est habituellement Rodolphe. Donc, je devais me prénommer quelque chose comme Fêt-Mart, Martyro ou encore Rodolfo. Pas mal non. Comme un personnage de feuilletons brésilien ou colombien. Mais je ne sais par quelle alchimie, le jour du baptême arrivé, il ou elle ont choisi de m’attribuer sans mon avis d’ailleurs, un autre prénom : Aristides. De ce prénom, je parlerai plus loin. Mais revenons à ce fameux Rodolphe. J’ai beaucoup d’amis se prénommant ainsi. Mais, pourquoi mes géniteurs l’ont-ils abandonné, je me le demande. Est-ce parce qu’il se compose du nom Wolf signifiant loup ? Son bébé avec un nom de loup-garou, pas devant  mon père. Ou alors est-ce à cause de la même origine comme l’autre tombé en désuétude, Adolf pour ne pas le nommer, d’un tristement célèbre dictateur hitlérien. Passons.

Aristides donc est, d’après le Dictionnaire des prénoms de Chantal Tanet et Tristan Hordé, d’origine latine emprunté à l’adjectif grec aristos. Il signifie excellent, brave ou noble… La Grèce actuelle est en crise économique récurrente, sa cousine italienne ne se porte guère mieux. N’ayant aucune envie d’être en crise personnellement, je considère que ce prénom vient de nulle part ou est tout simplement d’origine africaine. Ni trop brave ni trop noble, je suis néanmoins d’accord que les Aristide excellent le plus souvent. D’aucuns dirons que c’est de l’ego trip. En tout cas, ces détours c’est pour vous confirmer que c’est une personne masculine qui s’exprime et qu’elle – un homme – n’est ni féministe ni efféminée encore moins machiste. Surtout pas de méprise sur mon identité. Je connais des filles, des femmes qui se prénomment Aristide, mais malheureusement moi je ne suis qu’un homme. Les dernier(e)s qui n’en sont pas convaincu(e)s n’ont qu’à zieuter ma tronche dans le coin  supérieur droit de leur écran. Remarquez, mon prénom porte un « s » final. Pas trop original mais ça sauve parfois. D’ailleurs mon sentiment est que ce prénom est sans sexe, sans genre, asexué. Comme Dominique par exemple. Je vois certain(e)s thomas(e)s qui ne croient toujours pas à la véracité du titre. Comment un homme peut-il faire une fausse couche ? Eh bien, c’est possible au Togo, plus exactement à Lomé.

Tout a commencé le 11 octobre dernier, après une inauguration. Ce jour-là, « Son excellence Monsieur le Premier Ministre » Togolais a inauguré en grande pompe les travaux de réfection du tronçon situé en contrebas de la Colombe de la Paix, sur l’avenue Maman NDanida. C’est alors que des douleurs bas-ventraux ont resurgi pour me rappeler une année auparavant, le jour où j’ai fait ma première et dernière fausse couche. Car je n’emprunte plus cette route qui m’a fait faire une Ivg : une interruption volontaire de gambader. Les Loméens savent que le goudron s’il en subsiste encore quelques traces, est parti de cette avenue depuis des lustres. Cette voie importante de 600 mètres  menant les visiteurs de l’aéroport au centre-ville, m’a fait voir de toutes les couleurs de la douleur et je ne l’oublierai jamais. Les touches d’un clavier ne peuvent restituer ce que cette route m’a fait endurer. Je vous en épargne les affres. Ce que je sais, ces centaines de mètres de cailloux et de graviers m’ont transformé quelques minutes en femme. Pour me faire sentir ce qu’endurent les Eves en couche sur nos chemins sismiques. Aujourd’hui en voiture ou à moto sur ce tronçon, je fais le vide, je ne suis plus là. Ne reste que mon corps pour encaisser dans la première phase : l’exponentielle, les tangages qui vous prennent le sternum, ensuite la colonne vertébrale. Puis une autre, celle des secousses dites stationnaires vous tordant tout ce qu’il y a comme tuyauterie dans votre abdomen. Vient alors celle des roulis lamineurs des os du sacrum et du coccyx à bâbord et à tribord. Et enfin la déclinante ou descendante qui a la particularité de tasser les organes bas-ventraux que la décence m’oblige à ne pas énumérer ici.

Sachez simplement que ce genre de chemins court les rues, et la capitale togolaise n’en détient pas l’exclusivité à l’instar des autres villes africaines. Mais je suis heureux car le tronçon de Lomé sera fait et refait dans huit mois, presque le temps d’une grossesse. Il y aura une route réaménagée en deux fois trois voies en aller comme au retour, un parking, un espace vert fleuri, etc. Que du joli, du moderne. L’on recommencera alors à emprunter tranquillement cette voie qui porte le nom de la mère d’un célèbre président de la République de chez nous ! Et de mon côté, l’évocation de ma vraie fausse fausse couche ne sera qu’un lointain souvenir de mon imagination.

Aristides Honyiglo