« Présirendum¹ » pour réformes impossibles au Togo
En cette semaine de célébration de la Francophonie, je voudrais m’épancher un tantinet sur la politique dans notre pays : le Togo. D’aucuns se demanderaient qu’est-ce qu’ont en commun Francophonie, politique et un pays. Quand politique et linguistique se frottent, qu’est-ce qui en naît ? Un néologisme sans doute. Le texte est aisément compréhensible pour tout observateur de la politique togolaise, mais paraît sibyllin aux personnes étrangères à l’actualité de ce pays. A ces dernières, les longues « notes de bas de page, » sont là pour la compréhension. Mais le plus important, c’est le néologisme qui en résulte et que j’offre à la postérité, au monde francophone : le « présirendum. » Fera-t-il un jour, l’objet d’une entrée dans les dictionnaires ? Qui vivra verra…
Sur la situation politique du Togo
« Article 4 – La souveraineté appartient au peuple, il l’exerce par ses représentants et par voie de référendum. Aucune section du peuple, aucun corps de l’Etat ni aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice.
L’initiative de référendum appartient, concurremment, au peuple et au président de la République.
Un référendum d’initiative populaire peut être organisé sur la demande d’au moins 500 000 électeurs représentant plus de la moitié des préfectures. Plus de 50 000 d’entre eux ne doivent pas être inscrits sur les listes électorales d’une même préfecture. La demande devra porter sur un même texte. Sa régularité sera appréciée par la Cour constitutionnelle. » (Constitution togolaise du 14 octobre 1992, patouillée, tripatouillée et violée à la Saint-Sylvestre du 31 décembre 2002 par le groupe-choc RPT2 du célèbre « juriste à la barbiche3.»)
La proposition…
« Puisque les « fameuses réformes » sont un poids de plomb au cou, pourquoi Votre Majesté ne les couple-t-il pas avec la « présidentielle » d’avril (?) 2015 ? Question : « Voulez-vous que votre patelin établisse le nouveau record Guinness Book du plus long règne d’un monarque ? OUI / NON. » Cette question référendaire sera le sixième « candidat » aux côtés des « pions » qui vous accompagneront sur « l’autoroute à six-voies pour vous légitimer4.»
Le vote-ci n’étant pas censitaire, peut-être m’y rendrai-je. D’autant qu’ici les élections, à part avril 1958, ne servent pas et l’on n’aura guère l’impression d’être en dehors d’un royaume du Togo, Sire !
Votre très humble et obéissant serviteur.»
Lomé, le 25 mars 2015, royaume du Togo
¹ Présirendum© : néologisme pour une élection présidentielle couplée avec un référendum.
² Le Togo : 56 600 km2, Afrique de l’Ouest. 27 avril 1958, élections législatives et victoire des nationalistes en route pour « l’indépendance.» Le 27 avril 1960, proclamation officielle de l’« indépendance » de ce petit pays, avec comme premier président de la République l’intrépide nationaliste Sylvanus Olympio (1902-1963). 13 janvier 1963 : « coup d’Etat militaire » et assassinat d’Olympio par le sergent Etienne Eyadéma (1936-2005) et une horde de demi-soldes de l’armée coloniale revenus d’Indochine et d’Algérie. Le général de Gaulle lui dira des années plus tard : « Vous avez zigouillé Olympio, vous avez eu tort ! » comme si lui, le longiligne général n’en était pas au courant. Nicolas Grunitzky (1913-1969) beau-frère d’Olympio, prend la tête de l’Etat togolais. 13 janvier 1967, nouveau coup de force du même groupe de militaires, en manque de sensation sûrement. Le commandant Kléber Dadjo prend le pouvoir. 14 avril 1967, le lieutenant-colonel Eyadéma destitue Dadjo et devient chef du pays. 30 novembre 1969, création du RPT parti unique. 23 septembre 1986, un commando d’opposants dits « terroristes » (déjà ! Les Américains n’ont rien inventé le 11 septembre 2001) venu du Ghana, essaie de faire secouer Eyadema et son régime dur. 20 juin 1990 Conférence de La Baule (France), Mitterrand le président demande, somme presque les (principaux dictateurs)Africains d’instaurer (enfin) le multipartisme. Il sera bien écouté par les Togolais. 5 octobre 1990, après 23 ans de règne sans contestation, premières manifestations populaires pour rappeler à Eyadema et son pouvoir qu’ « un peuple amorphe, n’est pas toujours un peuple qui dort. » 10 avril 1991, instauration du multipartisme avec poursuite de la contestation populaire. 8 juillet 1991, début d’assises nationales dites « Conférence nationale souveraine. » 27 septembre 1992, référendum et adoption à la soviétique 98,11 % d’une Constitution prévoyant entre autres de limiter la mandature présidentielle à deux mandats de cinq ans chacun. 14 octobre 1992, promulgation de la Constitution adoptée… 25 août 1993, « réélection » d’Eyadéma. 4 janvier 1994, nouvelle attaque d’opposants « terroristes » contre le même régime presque trentenaire. 21 juin 1998, Re-«réélection» d’Eyadéma Gnassingbé, cette fois-ci, c’en est trop pour ses opposants. 9 juin 1999 Accord de Lomé sous l’égide de Chirac, oui Jacques devenu depuis l’anosognosique, entre les opposants togolais et général Eyadéma qui donne « sa parole d’ex-sergent de la Colo » de ne plus jamais, alors-là au grand jamais, se présenter de son vivant à une présidentielle sur la « Terre de nos Aïeux » dit Togo. Et pourtant, et pourtant le… 31 décembre 2002 l’assemblée uni-monocolore du RPT sous l’intelligence du célèbre avocat à la barbiche (qui ratera plus tard le coach le 5 février 2005 !) et ses camarades, fait voler en éclats le verrou constitutionnel en l’article 59 limitant le mandat présidentiel. A titre de comparaison, voici le texte des articles 59, originel de 1992 : « Le Président de la République est élu au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans renouvelable une seule fois. En aucun cas, nul ne peut exercer plus de deux mandats.»; et celui tripatouillé dix ans après, le 31 décembre 2002 : « (alinéa 1)Le Président de la République est élu au suffrage universel direct et secret pour un mandat de cinq (5) ans.(alinéa 2) Il est rééligible (alinéa3). Le président de la République reste en fonction jusqu’à la prise de fonction effective de son successeur élu. » Du beau travail donc! Ils ouvrent ainsi le boulevard à tout président de la République togolaise de rester au pouvoir ad vitam aeternam ou d’y mourir s’il le souhaite. Avec en bonus, sa succession par un de ses fils, si ce dernier le conçoit. Ainsi resurgit jusqu’à ce jour, ce qu’il convient d’appeler le « drame togolais. » Nota Bene : pour la suite de la chronologie, veuillez saisir « Crise politique togolaise » sur un moteur de recherche, si vous avez la connexion Internet…
3 Fambaré O. Natchaba, ex-président de l’Assemblée nationale.
4 D’après Abass Kaboua, président du parti Mouvement des républicains centristes (M.R.C.) sur Radio Kanal FM Lomé, 27 février 2015.
Aristides Honyiglo
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