Une journée en argot loméen
La cathédrale de Lomé construite en 1901-1902 (Crédit photo A. Honyiglo)
Lomé au Togo, est la seule capitale au monde (à ma connaissance et j’espère me tromper, à l’opposé de Brazzaville et Kinshassa, elles séparées par un fleuve) à se situer sur une frontière, celle d’avec le Ghana. A l’origine, le lieu aurait été fondé au 17e siècle par un certain Dzitri. Mais la ville est « née » en 1879 à la suite d’ imbroglios diplomatico-admnistratifs entre les colonisateurs européens : anglais, français puis allemands.
La bande côtière à cet endroit, était occupée par des populations autochtones (les Bè), les esclaves affranchis d’origine africaine (revenus essentiellement du Brésil) et des commerçants européens. Cet ensemble généra une sorte de « patchwork » dominé par la culture et la langue éwé. En 1884, la colonisation allemande s’installe au Togo pour 30 ans ; suivie par l’administration provisoire anglaise (1914-1920). Puis, le mandat du Togo est «confiée » à l’administration coloniale française de 1920 jusqu’à son indépendance en 1960. Aujourd’hui, la langue dominante à Lomé est le mina issu de l’éwé, avec des emprunts en français, en allemand, en d’autres langues togolaises et aussi un argot influencé par le voisin anglophone. Voici ce que pourrait donner les expressions d’une journée à Lomé, en argot mina traduit en français :
M’* tsé le naït’ a (J’ai dormi la nuit). Mornin’ a (Le matin), je me suis levé du bed (le lit). J’ai fait les pling’(aller au toilettes) et j’ai la (se laver). J’ai san na (saluer) mibo o** (femmes), adja o (les mecs) et copa o (copains, amis). Après, aka lom’ (j’ai eu faim) et j’ai cherché un pin(to) (pain) pour faire ti (thé, chocolat, petit déjeuner).
Afta, taïma lé west (le temps filait) et m’to lé mé (je suis parti). Je n’ai pas de tuvoi (voiture) j’ai donc tché (peut-être du verbe to catch en anglais = attraper, prendre) un zed (« Z » diminutif de Zémidjan, moto-taxi) apso (moto).
En cours de trajet, on a miit (nous avons rencontré) les bol’ o (les policiers) qui nous ont arrêtés. Évidemment qu’ils voulaient prendre leur ébléa (argent, fric) ! Le zedman (conducteur de moto-taxi) a fait taméa («glisser » quelque chose) et nous sommes repartis. Mais juste avant d’arriver au tra (travail), nous avons eu une panne sèche. On a payé du boudè (essence de rue, frelatée). J’ai donné au zed ses deux balles-cé (deux cents cinquante francs) et l’a sélè (laissé).
Un « Zed » sur sa moto-taxi (Crédit photo: A. Honyiglo)
Au boulot, j’avais chaud dans mon kpon (costume). J’étais un peu sick (malade). Mon tron-pa (chef, patron) rouspétait, mais nye m’ maïyi né o (je ne me préoccupais pas de lui). Je pouvais dire des fougan (foutaises), mais heureusement m’ to cleva (j’étais prudent) et n’a rien dit. A la pause, je n’ai même pas bèté (manger) le rimé (le riz) que j’ai baïy (acheter). J’ai juste bu un Pure water (poche d’eau en plastique). Afta m’to lé mé (après j’ai filé) yi zon (à la maison).
*M’ : je
**O : souvent marque du pluriel
Lexique alphabétique argot loméen
adja : mec – afta :après en anglais – aka lom’ : avoir faim – apso– apsonic, marque de moto
bed : lit en anglais – bedy : matelas – bèté : manger – bol’ : policier – –bomi : filles- boudè : essence frelatée – baïy :du verbe to buy, acheter en anglais
copa : ami
deux balles-cé : 250 Francs
ébléa : fric, argent
fougan : foutaise
maïyi : de mind, faire attention à – m’to lé mé : filer à l’anglaise – miit : du verbe to meet, rencontrer en anglais– mimbo : filles, femmes –mornin’ ou moni : matin, de morning en anglais– naït’ = nuiten anglais
oléyia = moto-taxi, littéralement « vas-tu ? » en mina– ‘ouma = femme, maman
pato : pâte de mais ou akoumé – pin(to) : pain – pling’ : aller aux toilettes – Pure water : poche d’eau en plastique
rimé : riz
sa na : saluer – sélè : verlan de laisser- sick : être malade en anglais
taméa : pot-de-vin, corruption – tché : attraper – ti : thé, petit déjeuner – taïm’a : tempsen anglais – tsé : dormir– to cleva : être prudent en anglais – tron-pa : patron – tuvoi : verlan de voiture
west : du verbe to waste, perdre en anglais
yi-ssè : laisser
zed : diminutif de Zemidjan, « z » moto-taxi – zedman : conducteur de moto-taxi – zon : maison
A.H
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