Péril plastique dans nos plats

Article : Péril plastique dans nos plats
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10 novembre 2014

Péril plastique dans nos plats

À Lomé, acheter le moindre article dans une boutique, au coin de la rue, au marché ou au supermarché, donne droit à un sachet plastique, noir si possible. Que cela soit de l’habillement, des livres, des médicaments, même de la nourriture ou je ne sais quoi ; tout est bon pour être emballé dans du « plastoc.» Et l’on a presqu’oublié que, la majorité des objets en plastique est fabriquée à base… du pétrole ! Un risque de dangers si l’on ne prend pas des précautions.

18h00, je descends, je décroche, rentre à la maison. Et j’ai la dalle, mais alors là, indescriptible. J’ai faim comme (excusez-moi) deux « Somaliens » réunis, dans un camp de réfugiés. Pourquoi aller jusqu’à la maison pour jongler avec les casseroles avant de manger, alors que juste à côté il y a une cafétéria Dialo ? J’ai vécu l’enfance avec les Diallo de Guinée et me suis aussi toujours considéré comme un Soninké, un Malinké ou un Sahélien perdu sur la côte du Golfe du Benin. De fait et grâce à la parenté à plaisanterie, je crois que je peux me permettre certaines blagues avec mes cousins Pullar. Mais ce n’est pas le cas ici dans mes propos. Qu’on ne m’accuse donc pas de rendre péjoratif ce patronyme. D’ailleurs les « Dialo » eux-mêmes le revendiquent. Ce nom est devenu générique pour désigner ces fast-foods africains, même si les plats n’ont rien d’Afrique… En général tout pour un petit-déjeuner à l’anglaise, et très souvent des pâtes alimentaires, du bon maca(1) quoi ! En réalité, du spaghetti plus la moitié d’une baguette de pain avec en bonus, un Pure water (de l’eau dans une poche plastique), quelques arômes rémanents de bouillons de poulet nourris aux antibiotiques, de l’aspartam et de la maltodextrine.

Une cafeteriat à Lomé (Photo: A. Honyiglo)
Une cafeteriat à Lomé (Photo: A. Honyiglo)

Je passe ma commande : « Plat spaghetti, à emporter !» Le code, semblable à une conversation entre un pilote de ligne et un contrôleur aérien, le tenancier-cuisinier l’a compris. Une télé, écran presque plat, diffuse le journal de France 24. Encore un de ces djihadistes fous qui s’est fait tiré pas loin de Gao, un de moins en tout cas. Les habitants de cette ville pourront dormir en paix quelques temps. Dix minutes après, le commis de Dialo me tapote sur l’avant-bras. J’ai compris: mon plat est prêt. Puis, il est en train de me l’empaqueter dans un Tupperware ou « à emporter » fait en polystyrène. Quoi, du «Six ?» Non, je n’en veux pas. Je voudrai bien mettre six cents balles pour un bon plat de maca, mais ne pas acheter en même temps la mort. Je lui explique que le polystyrène comme presque toutes les matières plastiques, est fabriqué à base du pétrole et sert normalement à emballer les appareils Hi-fis, ménagers. Il ne devrait donc pas contenir de la nourriture, de surcroît chaude. Imaginez un bon plat de spaghetti et à côté une assiette remplie de pétrole. Je ne veux pas vous faire perdre l’habitude de manger italien, pâtes et nouilles compris ; mais voilà approximativement l’image que nous devons avoir à l’esprit pour comprendre le problème. Rien n’y fait. J’ai l’impression de parler à un mannequin de vitrine de prêt-à-porter, sourd comme un malentendant. Et il m’emballe le tout avec probablement en bonus dans mon plat, de micro-libérations de styrène, une substance chimique cancérigène présente dans le polystyrène. Je ne bouge plus, je dois rester stoïque. Concrètement que puis-je faire d’autre ? J’ai faim et ma seule préoccupation, c’est de remplir les 1000 cm3 approximatifs de mon petit estomac. Que le styrène soit mélangé au pain, aux spaghetti et transformés en bouillie claire : le chyme, évacué après par jets successifs où vous savez, n’était pas mon problème.

Un plat de spaghetti dans un Tupperware (Crédit: Google images)
Un plat de spaghetti dans un Tupperware (Crédit: Google images)

Des plats pas nets

La semaine précédente, un ami m’a raconté une histoire invraisemblable sur ces fameux plastiques. Celle d’un jeune homme, à qui on a emballé du spaghetti dans un « à-emporter.» Problème, le plat était tellement chaud que le container a tout simplement fondu. Spaghetti et polystyrène se sont confondus dans un bouillon indescriptible, très odorant. Le client est revenu pour un autre colis qui après, a de nouveau « coulé.» Cette fois-ci, le cuisinier voulait faire du plat au jeune qui était tout, sauf un jeûneur. Le jeunot aussi de son côté, se nourrissant de la célèbre expression : « Ventre affamé n’a point d’oreille,» voulait en faire tout un saladier. Commençant par bander ses biceps, il s’en est fallu de peu pour en venir aux mains avec le traiteur. Invraisemblable, et pourtant elle est réelle cette histoire. Un aliment très chaud peut facilement faire fondre un emballage en plastique.

Si on doit énumérer le nombre de fois où on est confronté à ces risques d’intoxication; je crois qu’on ne mangerait rien du tout. Pourtant, il n’est pas loin le temps où chacun allait acheter de la nourriture, les condiments dans ses propres plats ou sacs en toile. Aujourd’hui, tout le monde veut faire moderne et croit que tout est bon pour être mis dans du sachet plastique. Le matin, c’est dans un sachet translucide qu’on prend la bouillie du petit déjeuner. A la pause de midi, la nourriture, généralement du riz ou de l’akumé(2) est délicatement emballée dans du plastique noir, doublé avec celui de la sauce. Enfin le soir, si l’on juge n’avoir pas de temps pour se faire un petit dîner, on court acheter quelques boules de Kom(3) chez la tantine Komto(4). Faudrait-je le rappeler, le Kom c’est l’aliment de tous les prolétaires Togolais, du moins, qui les aide à tenir encore debout ; tellement il y a la sous-alimentation ici dans ce coin d’Afrique !
 Le fameux « Kom » sauveur de tous les prolétaires (Crédit photo : cuisine228.com)
Et bis repetita. C’est bien sûr dans une garniture de sachets plastiques qu’emballées, les sphères chaudes de maïs dansent le Gweta. Pendant ce temps, la sauce pimentée fait des démonstrations de Cool catché dans un autre emballage en polypropylène. Ainsi une ou deux fois, sinon la moitié de la semaine, l’on ne cesse d’ingurgiter tous ces gaz et particules cancérigènes issus des objets plastiques. Et de me répéter cette incongruité, pour me rassurer : « les microbes ne tuent pas l’Africain. » Comme si -l’Africanus africanensis- lui, il venait de la Voie lactée. Le Ciel nous garde !

Kigali, Kigali, Ki-ga-li

Alors que ces matières plastiques mettent plusieurs siècles avant de se décomposer, comment lutter contre cette menace ? Un décret a interdit l’importation, la vente et l’utilisation des sachets plastiques au Togo depuis deux années. Mais rien. Depuis un mois, tout opérateur qui importe ou produit des emballages plastiques non-biodégradables, devra dorénavant payer une amende de 10 millions de Francs CFA. Mais toujours rien et je doute de la concrétisation de cette loi. Il y a dans les marchés, l’étalage de toute la gamme de sachets plastiques que les plasturgistes peuvent s’enorgueillir de nous fabriquer. Des fins, des épais, des transparents, des packs, des irisés, des vifs aux unis, il y a en de toutes les formes et de toutes les couleurs. Sans compter les « dégradables, » les biodégradables ou les oxo-biodégradables dont le principe de précaution et mon instinct de survie doutent de la réelle « dégradabilité.» Comment le plastique peut-il se dégrader ou se biodégrader ? Que l’on me l’explique en détail. Un reportage de France 24 a montré comment au Rwanda, les autorités luttent pour interdire l’entrée (illégale) du plastique dans ce pays. Pourquoi ne pas prendre finalement et définitivement exemple sur les politiques environnementales comme celle de Kigali? Même si en dormant, je puis affirmer que les frontières africaines n’ont d’étanchéité que la « grandeur » de l’épaisseur du papier cigarette. C’est-à-dire rien. Pourquoi ne pas prendre exemple sur Kigali ? Oui, Pourquoi pas ? Et de me répéter comme une comptine Kigali, Kigali, Ki-ga-li…

Mini-lexique (gastro)
1 Maca = diminutif de macaroni, désigne les pâtes alimentaires
2 Akumé = pâte de farine de maïs barattée et cuite à l’eau
3 Kom = boule de maïs cuite à la vapeur d’eau
4 Komto = vendeuse de Kom

Aristides Honyiglo

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Commentaires

Fotso Fonkam
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La situation de ces emballages est vraiment préoccupante en Afrique. Mais les pouvoirs publics semblent s'en moquer, et les populations ne sont pas assez mises en garde. Nous sommes dans la même situation au Cameroun: des décrets ont interdit l'utilisation des emballages plastiques. Mais il semble que tout le monde s'en moque.

Aristides HONYIGLO
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Merci Will, je crois que ça bouge un peu du coté de Lomé. on attend 2015 pour voir

florent
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tro cool

Aristides Honyiglo
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Ah Florent ! merci de ton passage

florent
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cool