Devant Lomé, New-York est petit

Article : Devant Lomé, New-York est petit
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10 décembre 2012

Devant Lomé, New-York est petit

Depuis 2005, de nouveaux immeubles à plusieurs niveaux sortent de terre dans les quartiers de Lomé. Ces parallélépipèdes en béton de sept, huit niveaux voire plus, poussent comme des champignons. Lentement mais calmement, l’on se dirige vers une « bétonnisation » en verticale de la capitale togolaise longtemps restée une ville basse.

       Alomé qui signifie « parmi les alo » en langue éwé, est le nom d’origine de la capitale togolaise. Ce nom vient d’un arbuste Sorindeia warneckeï, une anacardiacée appelée ici alo, servant de cure-dents et abondant au cœur historique de la ville. Alomé est devenu Lomé et capitale depuis 1897. A part quelques grands immeubles dont le fameux Hôtel du 2 février avec sa trentaine d’étages, la ville à l’aspect de gros bourg (colonial) aux rues rectilignes, abrite surtout des maisons « rez-de-chaussée », ou à toiture de tôles.

En février 2005, pour celles et ceux qui l’oublient déjà, un événement se produit dans l’histoire du Togo. Un grand immeuble ou plutôt un grand arbre tombe au pays. «Le Baobab n’est plus.» Ce ne sont pas les mots énigmatiques d’un télégramme, encore moins le titre d’un film primé au Fespaco de Ouaga de cette année-là. Ceux qui ne le savent pas, le «Baobab» est le surnom de l’ex-président togolais Eyadema. Ce surnom, lui-même se l’était ou ses opposants le lui avaient donné, du fait de sa « dureté » au pouvoir. Ce n’est pas de sa dureté au sens de cruauté dont il est question ici. Ce surnom fait référence à sa longévité sur le « trône » présidentiel. Car le monsieur a vraiment duré au pouvoir. Trente-huit ans plein, sans compter qu’il était dans l’antichambre du bureau présidentiel dès 1963. En tout, 42 années toutes rondes à un seul homme pour présider aux destinées d’un pays. Il faut le faire ! De quoi faire naître, grandir, scolariser, marier et faire élire au moins dix présidents américains à la Maison-Blanche, Washington, DC. Même Bongo, Mobutu ou les timoniers nord-coréens font figure de minimes ou cadets devant un tel record. Seul le «guide» libyen Kadhafi a failli ou battu cet exploit digne du Guinness Book. Impossible n’est pas togolais.

Vers la fin de l’année 2005, la sortie de terre de ces « gratte-ciels » n’ayant rien à envier à ceux de Manhattan, se fait remarquer. Blague. Le fait est là, depuis sept ans ces « boites à chaussures renversées » font florès jusque dans certaines banlieues de Lomé où l’électricité n’a pas encore été tirée. Pourquoi 2005 précisément ? Simple. Il est dit que le Baobab n’aimait pas voir dépassés les murs de sa résidence de Lomé 2, tout immeuble qui voulait faire concurrence à la tour de Babel. D’éventuels assaillants pouvaient s’y loger pour jouer aux snippers de Monrovia ou Sarajevo, et essayer de l’avoir dans leur collimateur. Mettez-vous à sa place. Plus on dure au pouvoir plus on a d’ennemis et une précaution vaut mieux que mille. Ainsi, les immeubles du voisinage du quartier présidentiel n’ont guère dépassé un ou deux étages. Sauf quelques rares exceptions.

En 2006, les nouveaux riches ayant thésaurisé l’argent, les mégalomanes l’ayant caché durant ces années de dictature, les blanchisseurs blanchi le sale, sans oublier évidemment des citoyens intègres qui l’ont gagné à la sueur de leur front, s’en donnent à cœur joie. Les architectes et les entrepreneurs tout autant, se frottent les mains. La tonne du ciment flambe mais on bétonne toujours. Attention ! Ceux qui se moquent tout bas de la situation actuelle du Togo, n’ont qu’à se préparer.  Quand ce pays aura cuvé son rhume, toute l’Afrique…

Car comme le disait Eyadema, « quand la case de ton voisin brûle, il faut l’aider à éteindre l’incendie… » De peur qu’après, le feu ne consume votre maison. Qu’ils n’oublient pas que le surnom du Togo est l’«Or de l’Humanité ». Bientôt si cela ne l’est déjà, des gisements d’or seront découverts ainsi que le pétrole. On en aura alors des arguments en béton. Quand nos gratte-ciels de huit, neuf étages finiront de sortir de terre, tout le golfe de Guinée et toute l’Afrique frémiront. Tans pis pour les lanceurs d’avions sur tours et autres djihadistes dans le désert. Ezo djé miadji (le feu sur vous)! Des pétrodollars couleront à flots dans les vannes.

Quant à vous nos voisins, rassurez-vous, l’on vous en donnera un peu. Tout le monde connaît l’hospitalité et la gentillesse togolaises. Il suffira juste de bien gérer et ne pas oublier d’ouvrir un compte bloqué pour les générations futures. Ici, nul besoin de payer 25 francs Cfa chaque manguier ou baobab déraciné. Puisque tout se passera dans l’océan Atlantique. D’ailleurs la dernière fois à la plage de Lomé devant l’hôtel Ibis-Centre, j’ai vu quelque chose. Sur l’horizon, derrière la file de navires étrangers venus s’abriter dans les eaux territoriales togolaises contre les nouveaux pirates de mer, j’ai aperçu quelques formes. Loin, très loin au large, de mes propres yeux j’ai vu des derricks de plateformes pétrolières. Sont-ils de fabrication koweitienne ou norvégienne ? J’avoue que je n’ai pu le déterminer. Ce qui était certain, le crépuscule gagnait la plage et les pirates de terre : les petits voleurs de portables sortaient d’où on ne sait. Ce n’était pas le moment de risquer une mise sur mon Samsung R-350. Pour moi, la meilleure attaque étant plutôt la défense, j’ai choisi de vraa (déguerpir) !

Aristides Honyiglo

 

 

Immeuble en construction à Lomé
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Commentaires

BADAGBON GILBERT
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c'est ca mon frere un jour tout l'afrique sera etonner du proget du Togo
espoire espoire espoire